Atelier sur les développements récents en droit des marchés publics

Le Professeur Derek McKee a organisé, sous l’auspice du CDACI, un atelier qui a réuni Nicolas Lambert de l’Université Moncton et Antoine Pellerin de l’Université Laval afin de mener des réflexions au sujet des développements récents en droit des marchés publics québécois. L’atelier qui s’est déroulé le 30 octobre 2019 à la Faculté de droit de l’Université de Montréal a pris la forme d’un « writing workshop » dans le cadre duquel chaque Professeur a eu l’occasion de présenter et de commenter les travaux d’un collègue.

Le cadre juridique régissant les marchés publics au Québec est au mieux fragmenté. Ainsi, nous assistons à une juxtaposition de deux régimes juridiques parallèles, l’un visant le secteur gouvernemental et l’autre englobant les entités municipales. Ceux-ci sont à l’intersection de différentes branches du droit, notamment le droit contractuel, le droit administratif et le droit commercial international. Dans cette perspective, Derek McKee propose de résoudre cette confusion en décrivant quatre grands «paradigmes» du droit des marchés publics: les contrats, l’administration, le commerce et l’économie politique. Le Professeur McKee identifie l’expression de ces différents paradigmes en droit positif selon qu’ils relèvent de questions de droit privé ou de droit public d’un côté et de questions de forme ou de fond de l’autre. Face à ce mélange de principes juridiques et de modèles politiques dont la base de principe est rarement claire, les tribunaux peinent à dégager des lignes directrices et chaque différend doit être géré au cas-par-cas. La prolifération des normes dans ce secteur mène des observateurs à plaider pour la mise en place d’un code québécois des contrats publics. Une telle proposition semble d’autant plus pertinente à la lumière d’une décision récente dans laquelle la Cour suprême a accepté qu’un contrat conclu avec une autorité publique puisse être régi par ses propres règles. En effet, dans Ferme Vi-Ber inc. c. Financière agricole du Québec, la Cour suprême a qualifié un Programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles du Québecde «contrat administratif», «c’est‑à‑dire un contrat auquel une autorité publique est partie», soumis à des considérations particulières s’écartant des règles d’interprétation ordinaires du Code civil. La Cour a donc décidé que lorsque l’État entretient des rapports contractuels, l’intérêt public doit jouer un rôle dans l’interprétation de tels rapports notamment en cas d’ambiguïté contractuelle. La prise en considération du critère de l’intérêt public pourra militer en faveur d’une plus large discrétion dans la mise en œuvre du régime étatique, particulièrement si celui‑ci vise un objectif social. De ce fait, l’ambiguïté contractuelle n’a pas été interprétée contra proferentem, selon l’intérêt de la partie la plus faible, alors qu’il s’agissait d’un contrat d’adhésion qui, en vertu du Code civil, exigeait nécessairement une telle interprétation. Nicolas Lambert voit en cette décision les ébauches d’un droit administratif des contrats publics au Québec qui rejoint les appels pour une codification et uniformisation des règles applicables dans ce domaine. Les paramètres du critère de l’intérêt public tel que retenu par la Cour suprême pourraient donc être mieux précisés. À cet égard, Antoine Pellerin remet en question la conception budgétaire de l’intérêt public, en considérant que cela ne permet pas nécessairement à l’État d’économiser. Selon le Professeur Pellerin, la rationalité budgétaire occulterait toute autre considération sociale, politique ou environnementale. Il propose donc de réfléchir sur une conception plus large de la notion d’intérêt public qui permettrait au pouvoir contractuel de l’État de s’exercer selon des dimensions multiples.  

Le programme de l’atelier est disponible sur le lien suivant: Programme

Marwa Semhat

Ce contenu a été mis à jour le 11 décembre 2019 à 19 h 18 min.

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